abandonnement

abandonnement

⇒ABANDONNEMENT, subst. masc.
I.— Action d'abandonner une personne (cf. abandonner), ou parfois des choses concernant une personne :
1. L'abandon, l'abandon, vous n'avez que ça à dire; l'abandonnement des disciples, la révocation des apôtres, la rénégation, le reniement de Pierre, vous n'avez que ça à dire.
Ch. PÉGUY, Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc, 1910, p. 152.
P. ext. et absol. :
2. ... ce que l'on reproche à M. Lavisse (...) c'est de n'avoir jamais été au fond que du parti de la capitulation, et de l'abandonnement, et de la lâcheté, et de la désorganisation.
Ch. PÉGUY, L'Argent, 1913, p. 1204.
3. L'abbé Cénabre laissait croître sa barbe, négligeait ses mains qu'il avait belles, prolongeait ses repas, sa sieste. Il lui arrivait de se jeter tout habillé sur son lit, que sa gouvernante s'étonnait de retrouver le soir en désordre, la courte pointe en satin grenat souillée de boue gardant la marque de ses gros souliers... « A quoi bon? » pensait-il sans oser avouer que la sinistre parole qui est au principe de tous les abandonnements, n'exprimait sans doute qu'à demi sa bizarre transformation.
G. BERNANOS, L'Imposture, 1927, p. 461
Rem. Dans les ex. 1 et 3, le mot a une coloration relig. ou mor. (cf. II).
II.— État d'une personne abandonnée :
4. Je suis seule pour la première fois au monde. L'abandonnement, la détresse de manquer d'un être à aimer, ce n'étaient que faibles souffrances en regard de la peine spirituelle : comme si un crépuscule des grâces s'accomplissait dans son cœur. S'imposait-elle une loi trop dure (silence, abandon, pauvreté)?
P.-J. JOUVE, Paulina 1880, 1925, p. 217.
Rem. Dans l'ex. 4, l'abandonnement n'est pas l'œuvre de Dieu, mais le cont. reste relig.
III.— Action de laisser aller tout ou partie de son être (cf. s'abandonner) :
5. La jeune fille, assise dans le fauteuil du barreur, se laissait aller à la douceur d'être sur l'eau. Elle se sentait prise d'un renoncement de pensée, d'une quiétude de ses membres, d'un abandonnement d'elle-même, comme envahie par une ivresse multiple.
G. DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Une Partie de campagne, 1881, p. 378.
6. Daudet vient me voir aujourd'hui. Nous restons seuls. Une causerie qui dure quatre ou cinq heures, une causerie vagabonde avec des expansions, des confidences, des abandonnements, et coupés par des silences rêveurs.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1884, p. 328.
7. Lundi 26 novembre. La première répétition de Germinie Lacerteux un peu débrouillée et où Porel m'a convoqué. Enchantement du jeu intelligent, discret, non appuyé de Réjane, qui, dans le tableau des fortifications s'offre et se donne à Jupillon dans un abandonnement si joliment chaste.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1888, p. 860.
Prononc. — 1. Forme phon. :[]. 2. Dér. et composés : cf. abandonner.
ÉTYMOLOGIE
I.— 1. Ca 1275 abandonement à « action de s'abandonner à (qqc.) » (Rose, éd. F. Michel, 16478 ds T.-L. : abandonement A tous periz); 2. 2e moitié XIIIe s. « action de capituler » (Leg. Gir. Rouss., éd. P. Meyer, Rom., VII, 42 : [Li rois] ne le [Girart] voloit laissier par nul habandonement mas li voloit tolir la vie auxi comme a desloial traïtour [nec eum ulla dedicione salvandum, sed veluti impium proditorem ... vita pribandum]); 3. 1326 « action de se dessaisir (de qqc.) » terme jur. (Arch. nat., S 95, pièce 34 ds GDF. compl. :Faire cession ou abandonnement de ses biens).
II.— 1415 « bannissement » (JUV. DES URSINS, éd. Buchon, 1415 ds GDF : au mois de janvier, fut publié parmi Paris l'abandonnement de toutes gens d'armes).
Dér. de abandonner réfl. et trans.; II par restitution étymol. à partir de ban.
HIST. — Abandonnement a des accept. voisines de abandon. Son sens est essentiellement actif, mais dès l'orig. on note aussi un sens passif. A.— Le sens actif « action d'abandonner, de laisser à la discrétion de, de renoncer à », apparu au XIIIe s. a survécu au cours des siècles; seul « action d'accorder » disparaît au XVe s. : Que feray je en cestuy cas, se ne me fais de ta grace aucun abandonnement. CAUMONT, Voyage d'oultremer en Jerusalem [1400-1446], p. 98, (Gdf.). D'où l'emploi (techn.?) de « bannissement » cf. étymol. Le sens de « action de s'abandonner » est anc.; primitivement concret, il prend au XVIIe s. un sens moral principalement péj., en partic. avec le sens de « débauche, prostitution » : Tant d'emportement honteux! Tant de faiblesse et d'abandonnement! Lui qui s'était piqué de raison, d'élévation, de fierté devant les hommes. MASSILLON, Sermon sur le mort du pécheur [début XVIIIe s.], (Littré). Au XVIIe s., apparaît l'idée de « s'abandonner à qqn », en particulier à Dieu : C'est estat du delaissement de soy-mesme comprend aussi l'abandonnement au bon plaisir de Dieu en toutes tentations, avidités, secheresse, aversions et repugnances qui arrivent en la vie spirituelle. St F. DE SALES, Entretiens spirituels [1610-1620], 2, (Hug.). Au XVIIIe s. le mot prend le sens relig. de « résignation », vertu par laquelle on se remet entre les mains de Dieu. De ce sens actif découlent des sens techn. : . Dr. — « Cession de biens, de terres ou d'héritage », dep. le XIVe s. (cf. étymol. 3); XVIIIe s. : l'heritier beneficiaire est dechargé envers ses creanciers par l'abandonnement des biens de la succession. FUR. 1701. Ce sens subsiste jusqu'au XXe s. (cf. ROB.). . Dr. mar. — « Contrat par lequel un marchand abandonne au profit de l'assureur des marchandises chargées sur un vaisseau » (cf. Trév., 1752), disparaît au cours du XIXe s. Mais ce sens subsiste dans le verbe (cf. abandonner, hist. II A 1, rem.). . Milit., uniquement ds Ac. Compl. 1842, cité comme anc. : Se disait, avant que les compagnies fussent au compte du roi, de la banqueroute que faisait un capitaine, quand il laissait [...] sa compagnie mal équipée, et hors d'état de tenir campagne. B.— Sens passif : « état d'une pers. abandonnée » : Et se prist au plorer si tresamerement Que nuz ne porroit dire voir l'abondenement. GIRART DE ROSSILLON, Le roman en vers [XIVe s.], 15239, éd. Mignard, (T.-L.). Semble tomber ensuite en désuétude; réapparaît au XVIIe s. ds FUR. au sens de « état d'une personne dont tout le monde s'éloigne » : Ne tenir nul compte du triste abandonnement où votre inflexible roideur le précipite. BOURDALOUE, Pensées [1716], t. 2, p. 129, (Littré). D'où ext., le sens de « misère » : l'abandonnement où sont ceux qui manquent de fortune. LA MOTHE LE VAYER, De la vertu des païens [1642], p. 315, (Littré). — Rem. Au XVIIIe s., abandonnement a eu tendance à l'emporter sur abandon. Au XIXe s. il apparaît comme vieilli et se rencontre surtout dans des textes litt.; en revanche il a gardé toute sa valeur dans la lang. notariale. Renaissance au XXe s. dans la lang. relig. (cf. art. sém.).
STAT. — Fréq. abs. litt. :29.
BBG. — BARR. 1967. — Comm. 1837-39. — DUPIN-LAB. 1846. — Gramm. 1789. — WILL. 1831.

abandonnement [abɑ̃dɔnmɑ̃] n. m.
ÉTYM. 1275; de abandonner.
1 Vieilli. Action d'abandonner (qqch.); cession de (qqch.). || Abandonnement de biens.
2 État d'une personne qui est abandonnée. → Abandonner, 3.
1 Elle (la philosophie chrétienne) nous soutient surtout dans le malheur, dans l'oppression, et dans l'abandonnement qui la suit.
Voltaire, Lettre à M… de l'Acad. franç., mars 1743.
3 Action de laisser aller tout son être. Abandon, 7.
2 Une causerie vagabonde avec des expansions, des confidences, des abandonnements.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. III, p. 328.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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